Interview de Pierre-Paul Mattei, Project Design Director Peugeot: « Si on amenait une nouvelle génération de berline, qui ne soit pas un SUV ni un SUV coupé ? »

Mondial de l’Auto 2022Interview de Pierre-Paul Mattei, Project Design Director Peugeot:

Q : La star du stand Peugeot de cette année est la Peugeot 408, le modèle avec lequel la marque au lion introduit sur le marché un nouveau segment, en haut du segment C, comblant un vide entre la berline et le SUV. Pouvez-vous nous parler davantage de la Peugeot 408?

R: Vous avez parfaitement identifié ce manque, c’est une réflexion qui a commencé il y a très longtemps chez nous. La première fois qu’on a vraiment échangé de manière formelle sur ce sujet avec la marque, c’était en 2015. On a constaté qu’il y avait un trou, un espace vide, entre le monde de la berline classique ou du hachback, et du SUV, quel que soit le segment. Un espace vide sur le marché et dans notre gamme. Nous proposons des berlines, des hatchbacks, des SUVs – mais il manquait à créer peut-être un objet à vocation mondiale, qui puisse apporter quelque chose de nouveau sur le segment, plus frais, mais aussi à compléter de manière avantageuse la gamme Peugeot. Et on a commencé cette réflexion « Si on amenait une nouvelle génération de berline, qui ne soit pas un SUV ni un SUV coupé ? ». Un véhicule qui offre une position de conduite dynamique, propre à la berline, mais un peu plus expressif, un peu plus frais, plus moderne, un peu plus haut, mais pas aussi haut qu’un SUV…  Quelque chose de beaucoup plus efficient!

En 2015 on a dessiné un manifeste, pour partager cette vision entre nous, entre le style et la marque. Ensuite nous avons convaincu l’entreprise que ce nouveau morphotype pouvait être intégré à l’un de nos programmes en cours de développement, – la P5 à l’époque. Il y avait la 308, la 308 break… disons qu’on peut intégrer une troisième silhouette qui sera décalée de manière à amener cet objet de nouvelle génération à la fois dans notre gamme mais aussi sur le marché. C’est comme ça que l’idée de la 408 est née.

Q : Et c’était difficile de convaincre l’entreprise ?

R : Non, cela n’a pas du tout été difficile. C’est pour ça qu’on a créé le manifeste. A partir du moment où l’on parle d’un nouveau concept, d’un objet qui remplit un vide, c’est très difficile de convaincre avec une présentation PowerPoint…Donc le mieux c’était de créer un objet qui explique la philosophie de ce qu’on va faire et ensuite de montrer cet objet. Dès qu’on a montré cet objet à la direction générale, la décision n’a pas été compliquée à prendre. Tout le monde a été convaincu qu’effectivement c’était une belle opportunité pour Peugeot à la fois de compléter notre gamme mais aussi d’amener quelque chose de nouveau sur le marché. Il a fallu juste construire techniquement cette voiture. Si c’est dans le même programme que la 308, ce n’est pas du tout une 308 …ce n’est pas le même gabarit, les mêmes tailles de roues, le même empattement…tout est différent ! Il a fallu construire techniquement la voiture pour qu’elle puisse s’insérer dans un programme. Mais la décision a été prise assez rapidement finalement.  

Q : Parlons des défis. Avez-vous rencontré des défis par rapport au design ?

R : Oui ! Le principal défi est que cette voiture est d’un gabarit inhabituel pour une berline classique. Du coup, des solutions classiques de style ne pouvaient pas marcher sur cette voiture-là. C’est pour ça qu’elle a des partis pris très fort en termes de découpage de couleur, entre le noir et la couleur caisse. Par exemple, si on compare la partie arrière d’une berline classique, telle qu’on la connaît, la hauteur de malle est de 15 cm plus haute. Donc une solution classique de style, toute en couleur caisse, on se retrouvait avec une masse incontrôlable, très lourde, qui était antinomique avec l’intention de dynamisme qu’on voulait donner.

Et ça c’était notre défi en style – donner du dynamiste à un véhicule qui est imposant, qui est plus haut. Plus on monte, plus la voiture grandit, plus il est difficile d’être dynamique et élégant. Et donc, c’était ça le vrai enjeu du style !

C’est aussi pour ça qu’on a opté pour un traité de surface inhabituel beaucoup plus « facettisé » , comme un diamant, de manière à casser la lumière, affinant la perception et créant un volume qui joue avec la lumière pour absorber ce gabarit inhabituel.  

Q : Si à l’extérieur les nouvelles lignes fascinent, parlons aussi de l’intérieur. Est-ce qu’il y a des changements par rapport aux habitacles d’autres modèles Peugeot ?

R : Oui, il y a du changement. Il y a plus de 10 ans, Peugeot a inventé le i-Cockpit, qui est presque une philosophie de conduite. Une ergonomie très particulière, un combiné des indications au-dessus du volant, lui-même très petit, très pilotable…un peu comme un volant de course, avec interface tactile en partie centrale. A chaque nouvelle voiture, il faut qu’on réinterprète cet i-Cockpit, en le rendant plus moderne, plus ergonomique mais aussi plus fonctionnel. Et l’un des points essentiels du cahier de charge au départ, notamment amené par la marque (qui est l’œil du client), c’était de dire que, dans le segment C, s’il y a bien eu une chose que les clients veulent absolument, c’est avoir un dégagement de l’espace et beaucoup de praticité, une grande possibilité de rangements.

Il a fallu qu’on revoit, qu’on réinterprète l’i-Cockpit, de manière à amener cette ouverture. Si vous le comparez à la planche de bord d’une Peugeot 508, par exemple, qui est beaucoup plus pilotage, beaucoup plus fermée, là on a une console centrale qui est ouverte sur le passager. L’arche de commande est très compacte, mise sur le côté de manière à ce que tout le reste soit dédié au rangement, à l’accessibilité de l’espace… C’est une réinterprétation de l’i-Cockpit, plus fonctionnelle, plus ergonomique avec en plus l’intégration, au niveau des combinés, de ce qu’on a déjà vu sur le 2008 : un effet tridimensionnel permettant la priorisation des informations, de manière à faciliter l’ergonomie de conduite générale. Donc cet i-Cockpit a été reconçu en évolution perpétuelle, comme on le fait à chaque voiture : de manière à l’améliorer, faire en sorte que chacun ait toujours une évolution en termes de prestation, d’ergonomie et style. Donc celui-là n’a pas échappé à la règle.

Q : On retourne à l’extérieur ! Pourquoi cette couleur ?

R : Le concept de la 408 est inhabituel. Le style est du coup inhabituel, et il fallait que tout soit dans la même philosophie. Donc le design des roues est inhabituel aussi, le traitement du parechoc à l’arrière est inhabituel. Quand on a fait le brief global à nos équipes de couleur et matière, on leur a dit qu’il faudrait aussi une couleur inhabituelle, qui finisse l’enveloppe générale de la voiture, complètement en accord avec cette philosophie. Et c’est là qu’est née l’idée d’une couleur dichroïque. Une couleur dichroïque a deux nuances mélangées. Elle est développée avec des particules de couleur qui ne prennent pas la même coloration en fonction de l’orientation de l’éclairage.

Nos équipes ont développé cette couleur, de deux en une, avec du vert et du bleu, qui réagissent différemment en fonction de l’exposition à la lumière. Quand on combine cet effet avec le volume de la voiture, qui est facettisé, on se retrouve avec un objet qui est presque vivant, puisque la perception de la couleur n’est jamais la même sur la voiture. C’est très en accord avec le concept de la 408.

Q : Donc c’est une pierre précieuse !

R : Oui, c’est comme un diamant. Il n’y pas que le style qui est innovant, il y a aussi la manière de faire le style. On ne pouvait pas utiliser une solution classique de design…tout est disruptif, inhabituel. Et c’est voulu !

Q : Quel serait votre top 3 de détails préférés sur la 408 ?

R : Les trois détails qui ont été les plus challengeants en style. D’abord, la roue 20 pouces, qui est pour moi l’emblème de la 408. Quelque chose d’inhabituel, qui surprend, qui n’est pas comme le reste, amenant une nouveauté, une fraîcheur. Au-delà du fait que ce n’est pas qu’inhabituel, c’est un challenge en style et c’est devenu un challenge technique. Ce design fait que la répartition des masses n’est pas naturelle – il y a des endroits où il y a beaucoup de masse, des endroits où il n’y a pas de masse. Donc, la mise au point de la roue était très longue pour qu’elle marche en fréquence…On a mis autant de temps pour développer cette roue que pour développer toute la voiture !

Ensuite, la fin du pavillon avec la signature oreilles de chat. On pourrait penser que c’est juste une idée de styliste, qui a voulu se faire plaisir. En fait ça a été guidé par la prestation de l’habitabilité. On a donné une énorme place aux genoux, avec un très grand empattement, c’était donc un choix délibéré mais aussi la vocation mondiale de la voiture : avoir un espace aux genoux comme on n’en a jamais eu dans une Peugeot, dans aucune Peugeot ! Et donc cela n’aurait pas été normal de donner autant de place aux genoux et de ne pas donner de la place à la tête. On a sorti les charnières de volets qui sont dans la zone tête, de manière à libérer de l’espace à la tête. Donc il fallait les habiller en style puisqu’elles étaient en dehors du volume fastback. C’est là que sont nées ces oreilles de chat et donc finalement c’est devenu une signature stylistique de la voiture.  Mais à l’origine, c’était une contrainte technique pour donner de l’habitabilité à la tête. Habiller d’une manière stylistique en apportant une émotion, en combinaison avec une prestation, une réalisation technique, c’est ça qu’on appelle le design finalement. Et cette zone de la voiture représente vraiment ça, c’est du design pur, lié à de la technique, de la prestation et du style. Et donc, c’était une zone compliquée à mettre au point, parce qu’il fallait aussi que ce soit efficient en termes d’aérodynamisme. Tout a été désigné à la fois pour intégrer la technique et être efficient. C’est la deuxième zone particulièrement sensible de cette voiture et dont on est très fiers.

Le dernier détail serait la calandre, avec sa maille couleur caisse évolutive. Vous le verrez quand vous découvrirez la voiture – c’est très frappant sur des couleurs claires comme le gris ou le blanc notamment. Cette maille évolutive qui est couleur caisse – en fait la densité est variable – plus on va sur l’extérieur de la grille, plus la densité devient importante. C’est ce qui fait que quand vous verrez la voiture de loin, vous verrez qu’il y a une calandre mais votre œil n’arrivera pas à voir où elle commence et où elle finit. La calandre est complètement intégrée dans le parechoc. C’est un effet qui est assez étonnant, très moderne. Dans cette tendance actuelle des expressions stylistiques de voitures qui sont en train de changer avec l’arrivée des nouvelles technologies, l’électrification. Et donc on voit que toute la manière de signer la face avant est en train d’évoluer. Sur cette voiture, qui aura le choix des énergies entre des solutions thermiques, des solutions hybrides puis plus tard des solutions électriques, tout se traduit sur cette calandre.

Q : Pour finir, si la nouvelle 408 sera proposée aussi en version 100% électrique, est-ce que le design de la carrosserie pourra rester le même ou faudrait-il changer des détails ?

Non, pas de changement, parce qu’elle a déjà ces gènes-là. Son côté novateur, son côté multi énergie, son côté worldwide, étaient dans le cahier de charge de style, donc il sera rigoureusement le même en version électrique.

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